Bonjour les poètes !
J’espère que vous avez passé un très beau mois de mai, que vous avez fait ce qui vous plaît, aimé, que vous vous êtes émerveillé, que vous avez créé, et que vous avez trouvé de nombreuses sources de joie.
Moi oui, et c’est justement le sujet du jour. Le mois dernier, je vous écrivais en introduction qu’après une période d’épuisement, essentiellement mental et émotionnel, j’avais commencé à, pour ainsi dire, me régénérer. Et c’est le travail que j’ai poursuivi pendant tout le mois.
Je partais d’une situation où j’avais l’impression de ne pas vivre mes journées mais les subir, aspirée que j’étais dans un tunnel d’ennui, où je ne faisais rien d’intéressant. Cela ressemblait fort à une panne sèche : mon réservoir était plus que dans le rouge, il était vide.
J’ai donc consciencieusement appliqué l’un des conseils de Julia Cameron, dans Libérez votre créativité : mettre des petits plaisirs dans le quotidien. Ce que Françoise Héritier appelle le sel de la vie. Dans son célèbre ouvrage, elle répond à la carte postale d’un ami qui lui annonçait qu’il avait pris quelques jours de vacances pour mieux profiter de la vie, et elle lui montre qu’en considérant les choses de cette manière, il passe à côté de ce qui fait le sel de la vie, les « frémissements intimes » des plaisirs qui font ce que nous sommes et qui, si on y est attentifs, peuvent rendre le quotidien extraordinaire :
C’est donc une énumération qui suit, une simple liste, en une seule grande phrase, qui est venue ainsi toute seule par à-coups, comme un grand monologue murmuré. Il s’agit de sensations, de perceptions, d’émotions, de petits plaisirs, de grandes joies, de profondes désillusions parfois et même de peines, bien que mon esprit se soit tourné plutôt vers les moments lumineux de l’existence que vers les moments sombres, car il y en a eu. A de petits faits très généraux dont tout un chacun aura pu éprouver un jour la réalité (je parle alors de façon neutre, c’est-à-dire selon l’usage français au masculin) j’ai mêlé progressivement des souvenirs privés, durables, fixés en images mentales fortes pour toujours, instantanés fulgurants dont l’expérience peut être, je crois, transmise en quelques mots (je parle alors au féminin). Il faut voir dans ce texte une sorte de poème en prose en hommage à la vie.
Il s’agit, finalement, de faire ce que certains appellent romantiser sa vie, et qui n’a rien de superficiel. C’est une question de perspective :
faire de chaque épisode de sa vie un trésor de beauté et de grâce qui s’accroît sans cesse, tout seul, et où on peut se ressourcer chaque jour.
C’est quelque chose que je fais depuis longtemps, énumérer les joies du quotidien, dans mes En mots et en images, mais j’avais tendance à me focaliser sur les choses vraiment importantes (et comme c’est un bilan, j’y évoque aussi le négatif). Et j’avais tendance, aussi, à rester passive, à ne pas provoquer ces moments. Et à ne pas les noter au fur et à mesure, et à en laisser échapper la plupart.
Cette fois, j’ai décidé deux choses : d’abord, sur les conseils de Julia Cameron, de provoquer ces moments au lieu de les laisser venir à moi par hasard, même s’il arrive aussi qu’ils adviennent par hasard ou sur une impulsion subite, et ensuite de les documenter, avec une nouvelle rubrique sur Instagram, une sorte de “En mots et en images” hebdomadaire intitulé “le sel de la vie cette semaine”.
J’ai un peu forcé les choses, organisé : je suis plusieurs fois sortie me promener dans des parcs ou en ville, au lieu de rester chez moi. J’ai acheté des pivoines, et j’adore ce moment où je marche dans la rue, les bras chargés de mes fleurs qui font sourire les passants. J’ai cuisiné une tarte. Je suis allée au marché. Je me suis mise à régulièrement aller dans un café agréable dans ma rue, rejoindre une amie ou seule (ou avec mes fleurs). Je me suis inscrite à un atelier créatif. J’ai mangé une gaufre et une glace. Je me suis installée en terrasse.






Les résultats ne se sont pas fait attendre. J’ai senti mon taux vibratoire remonter en flèche. Je me suis liée à des gens, je parle plus, et j’ai même réussi à prendre une photo de moi sur laquelle, pour la première fois depuis longtemps, alors même que je suis à peine maquillée, je m’aime.
Le deuxième effet positif est que j’ai commencé à voir ce que je ne voyais pas, avant. Les moments agréables qui étaient juste un soulagement, et que je considère aujourd’hui pleinement. Observer avec tendresse les insectes qui butinent mes fleurs et le ballet des hirondelles le soir, lire un livre dans le canapé, dormir la fenêtre ouverte, voir pousser mes salades et mes tomates, savourer un bon plat.
Evidemment, ce sont des choses que j’ai toujours faites. La sensorialité, le plaisir ont toujours été essentiels pour moi, et notamment ces petits plaisirs qui rehaussent la saveur des jours. Et d’ailleurs, en lisant l’essai de Gérard Leleu Sexualité, la voie sacrée dont je reparlerai dans la prochaine Escale Amoureuse, j’ai découvert que c’était toute la base du tantrisme, qu’en Occident on a tendance à limiter à la sexualité :
Un premier type de techniques nous propose d’utiliser les joies liées aux plaisirs et aux activités agréables de la vie en les ressentant pleinement. Sur les cent douze propositions du principal tantra, quatre seulement concernent la jouissance sexuelle, les autres décrivent les bonheurs de tous les sens (la vue, l’odorat, le goût, l’ouïe, le toucher) : c’est dire l’importance de la sensualité dans le tantrisme.
Et cela a débloqué l’écriture. Je me suis rendu compte que, pour le moment en tout cas, c’est là-dessus que j’avais envie d’écrire : ce qui me nourrit, m’émeut, m’émerveille, me transforme. Les petites choses qui sont pourtant essentielles. Et comme j’ai envie de partager encore davantage cette vision du monde, je songe de plus en plus à en faire l’axe de mon premier atelier d’écriture. Ces ateliers cela fait des mois que j’y pense, mais sans trouver ma manière de le faire, et cela commence à se dessiner de plus en plus précisément. Je voudrais organiser le premier en présentiel, dans un lieu que j’aime et qui me donne de la joie, il faut que j’y réfléchisse plus avant, mais ça résonne juste.
Pour moi, vivre et écrire partent d’un même mouvement. Ecrire décuple le plaisir. Et c’est un plaisir en soi. Si je ne vis rien, je ne peux rien écrire. Et là, j’ai retrouvé le sel.
J’ai parfaitement conscience que les circonstances actuelles aident : j’ai plus de temps, l’été et les vacances se profilent, il fait beau et il est donc agréable de sortir. Ce sera sans doute un peu plus compliqué lorsque l’automne et surtout l’hiver reviendront, mais d’ici là, j’ai le temps d’ancrer tout cela.
Et vous, quelles sont les petites choses qui font le sel de votre vie ?
Merci de m'avoir lue jusqu'au bout ! Si cette lettre vous a plu, n’hésitez pas à la commenter et à la partager !
Je vous souhaite un beau mois de juin. Je vous donne rendez-vous pour l’Escale Amoureuse le 21 si vous êtes abonné. La prochaine Escale Poétique paraîtra quant à elle le 6 juillet, avant la pause estivale.
En attendant vivez poétiquement, vibrez haut, et cultivez la joie, l’émerveillement et l’amour !