Bonjour les poètes !
J’espère que vous avez passé un très beau mois d’avril, que vous avez aimé, que vous vous êtes émerveillé, que vous avez créé, et que vous avez trouvé de nombreuses sources de joie.
Pour moi, il a été en montagnes russes, mais inversée : il a magnifiquement commencé, avec un formidable voyage dans le sud en famille. Et puis j’ai chopé le coco, il s’est remis à faire un temps moche, il a fallu revenir au travail, et tout ça cumulé, j’ai eu l’impression de ne jamais avoir été aussi fatiguée de ma vie, comme si on m’avait entièrement aspiré mon énergie. Plus d’envie, plus de désir, plus de motivation. Fort heureusement, le soleil magnifique de ces derniers jours, qui m’a permis de ressortir mes jolies tenues d’été, et les semaines raccourcies par les jours fériés, m’ont régénérée.
Et au milieu de cette apathie m’est venue une nouvelle envie : un book-club. Je ne sais pas encore comment, sous quelle forme, sur quelle plateforme, éventuellement avec quelle marque, mais j’ai vraiment envie de lancer ça, un de ces jours. Et pas seulement parce que c’est à la mode. Même si le fait que ce soit à la mode me fait immensément plaisir.
Longtemps, les “filles à livres” étaient souvent mal considérées. Cette image poisseuse de pas drôle, pas intéressante, celle de vieille fille frigide à lunettes sentant la poussière des bibliothèques et vivant avec ses chats leur collait à la peau. J’en ai souffert, à l’école, de ce stéréotype de l’intello, à qui on n’adresse la parole que pour qu’elle vous aide à faire vos devoirs. Je ne caricature même pas : parce que j’aimais lire, j’étais rangée dans une case, et pas la case populaire. Alors même que je me suis toujours intéressée à beaucoup de sujets (y compris la mode et les garçons). Certes, je suis une intello, on ne va pas se mentir, mais je suis beaucoup d’autres choses aussi, et je me suis longtemps sentie à l’étroit, dans l’impossibilité d’exprimer pleinement ma multipersonnalité.
Au début de mon blog, on m’a d’ailleurs parfois reproché de ne pas choisir mon camp. Il y avait les blogs littéraires, il y avait les blogs mode/beauté/lifestyle, et moi qui parlait de tout ce qui me plaisait, sans entrer dans aucune case. On m’a donc souvent reproché une certaine superficialité : je ne m’habillais pas à la hauteur de mon intellect, trop féminin, trop sexy, trop mode.
Pendant longtemps, on ne pouvait pas aimer les livres, l’écriture, la lecture, et aimer aussi la mode, les vêtements, le maquillage.
Aujourd’hui, quand je vois l’ébullition autour de la littérature, devenue glamour, notamment dans le milieu de la mode, je ne peux qu’avoir l’impression de prendre une revanche.
Toutes les it-girls ont leur book-club : Emma Watson, Dakota Johnson, Sarah Jessica Parker, j’en passe, et Reese Witherspoon en a même fait un véritable business. Toutes les marques veulent leur book-club : Chanel avec Charlotte Casiraghi, Miu-Miu, Dior, Aesop, Sonia Rykiel et Balzac Paris, et dernièrement Sézane, avec Jessica Troisfontaine.
Quant au métier d’écrivain, on ne peut pas trouver plus attractif : il ne se passe pas une semaine sans que je tombe sur un film ayant pour personnage central quelqu’un qui écrit, mais qui est aussi particulièrement beau, bien habillé et sexy. Ce dernier point n’est pas tout à fait nouveau, me dira-t-on : l’écrivain a toujours été une figure assez iconique en France, et il me semble que Carrie Bradshaw a pas mal contribué à ce phénomène. Mais enfin, j’ai l’impression qu’aujourd’hui, tout le monde veut être écrivain (écrire, c’est autre chose, même si mon journal d’écriture reste le livre que je vends le plus, avec mon carnet de poésies).
De même, il y a toujours eu des photos glamour de femmes en train de lire.
Mais c’est de plus en plus évident, que la lecture est devenue tendance et glamour.
Les rayons des librairies regorgent de beaux carnets, de journaux de lecture élégants, et de livres aux couvertures soignées (même s’il y a encore beaucoup d’horreurs), on trouve des tote book bags magnifiques et de nombreux objets de décoration littéraires, et quand, comme moi, on a besoin que tout soit joli, c’est un vrai plaisir.
Bien sûr, il y a dans ce phénomène beaucoup de branding et de superficialité : pour les marques, une recherche de légitimité, d’autorité intellectuelle qui n’est peut-être pas toujours sincère. Pour certaines influenceuses, il s’agit d’ajouter une nouvelle couche à leur personnage afin d’élargir leur audience, et la lecture est simplement une esthétique, une mise en scène, comme le montre la mode des faux livres (qui a toujours existé cela dit) et de ce curieux métier de “curateur de bibliothèque”, qui consiste à choisir pour des gens qui ne lisent pas le contenu de leur bibliothèque, celui qui donnera la meilleure image d’eux (étant entendu que la première chose que l’on fait lorsqu’on est chez quelqu’un qui a une bibliothèque, c’est d’aller jeter un oeil).
Mais comme pour beaucoup de choses, je pense que l’apparence, l’esthétique est le signe d’un mouvement plus profond. Un besoin de sens et de temps long face aux réseaux sociaux et au scrolling (même si Bookstagram et Booktok restent au cœur de la trend), un besoin de connexion et de conversations profondes, un besoin peut-être aussi de résister : résister à la stupidité ambiante. Les livres bannis aux Etats-Unis se vendent d’ailleurs particulièrement bien.
En tout cas, je n’y vois que du positif : cela encourage les gens à lire, et, on le sait, lire a beaucoup de bienfaits, et notamment celui de faire réfléchir. Surtout, c’est un mouvement porté par les femmes, de l’ordre de l’empowerment : être enfin entière, ne plus avoir à choisir entre “sois belle et tais-toi” et l’intellectuelle ennuyeuse. On peut être belle, rayonnante, sexy, glamour, séduisante, et intelligente. Mais on n’est pas obligée.
Quelques ressources pour approfondir (toutes en anglais) :
Une newsletter qui analyse de la raison pour laquelle les marques veulent toutes leur Book-Club et une autre analyse du phénomène dans Vogue Business
Un article du Guardian sur la Gen Z et les librairies
Un article sur la manière dont les livres sont choisis dans And just like that
Image plus haut : Pamela Hanson, Christy Turlington au The Strand (2), New York, 1997
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Je vous souhaite un beau mois de mai. Je vous donne rendez-vous pour l’Escale Amoureuse le 21 si vous êtes abonné (la précédente a été annulée et j’ai suspendu les abonnements pour les raisons expliquées plus haut, mais ça va repartir). La prochaine Escale Poétique paraîtra quant à elle (normalement) le 1er juin !
En attendant vivez poétiquement, vibrez haut, et cultivez la joie, l’émerveillement et l’amour !